
Mon travail photographique se caractérise par une approche spontanée, toujours sur le vif. Je passe de longues heures à observer, pour finalement ne déclencher que rarement, privilégiant l’instant juste plutôt que l’accumulation d’images. Je travaille principalement en argentique noir et blanc, parfois en couleur, ce qui me permet de révéler des détails isolés, des fragments de réalité souvent ignorés du regard quotidien.
C’est dans cette démarche que je me suis intéressée au graffiti, et plus particulièrement à la scène marseillaise. Je suis fascinée par les milieux marginaux et underground, et le graffiti me semble être bien plus qu’un simple acte de « dégradation » : c’est un mode de vie, une pratique à la fois politique et addictive, que les graffeurs portent de manière plus ou moins consciente. À Marseille, le graffiti est profondément lié à l’identité de la ville. Il en exprime les tensions, la vitalité populaire et l’esprit revendicatif.
Ce projet est né d’une proximité personnelle : Frok, ami d’enfance, m’a amenée naturellement à photographier ses sessions. Puis j’ai rencontré Oupce, ami et partenaire de graffiti de Frok, qui est devenu à son tour un ami proche et m’a ouvert à une autre facette de cette pratique. Au départ, je pensais réaliser un travail documentaire sur Frok ; mais peu à peu, mon regard s’est élargi. J’ai suivi leurs sorties communes, puis celles d’Oupce seul. Ce glissement a transformé le projet : il ne s’agit pas d’un reportage documentaire au sens strict, mais de photographies spontanées qui s’attachent à saisir la gestuelle, l’énergie et la philosophie du graffiti.
Mon intention n’est pas d’en faire l’apologie ni de convaincre que « c’est génial », mais plutôt de mettre en lumière cette pratique sous un angle différent. Là où les graffeurs photographient souvent leur propre travail pour l’archiver et le montrer aux avertis, je cherche à capter la dimension humaine, intime et sensible de leurs gestes.
My photographic work is defined by a spontaneous, on-the-spot approach. I spend long hours observing, only rarely pressing the shutter — privileging the right moment over the accumulation of images. I work mainly with black-and-white film, sometimes in color, which allows me to reveal isolated details, fragments of reality often overlooked in everyday life.
It is through this approach that I became interested in graffiti, and more specifically in the Marseille scene. I’m fascinated by marginal and underground environments, and graffiti seems to me to be far more than an act of “vandalism”: it’s a way of life, a practice that is both political and addictive, carried by graffiti writers with varying degrees of awareness. In Marseille, graffiti is deeply tied to the city’s identity. It expresses its tensions, its popular vitality, and its spirit of resistance.
This project was born from a personal connection: Frok, a childhood friend, naturally led me to photograph his sessions. Later, I met Oupce, Frok’s friend and graffiti partner, who also became a close friend and opened up another side of this practice to me. At first, I thought I was making a documentary about Frok, but little by little, my perspective widened. I followed their sessions together, then Oupce alone. This shift transformed the project: it is not a documentary report in the strict sense, but a series of spontaneous photographs seeking to capture the gestures, energy, and philosophy of graffiti.
My intention is not to glorify it or to persuade anyone that “it’s great,” but rather to shed light on this practice from a different angle. While graffiti writers often photograph their own work to archive and share it within their circles, I aim to capture the human, intimate, and sensitive dimension of their actions.